Orphelins 88.

Auteur : Sarah Cohen-Scali
Editeur : Robert Laffont, Collection R.
Parution : Septembre 2018
Pages : 432


RESUME :

  

  

  

  

  

  

 

Munich, juillet 1945.

Un garçon erre parmi les décombres…

Qui est-il ? Quel âge a-t-il ? D'où vient-il ? Il n’en sait rien. Il a oublié jusqu’à son nom. Les Alliés le baptisent « Josh » et l’envoient dans un orphelinat où Ida, directrice dévouée, et Wally, jeune soldat noir américain en butte au racisme de ses supérieurs, vont l’aider à lever le voile de son amnésie.

Dans une Europe libérée mais toujours à feu et à sang, Josh et les nombreux autres orphelins de la guerre devront panser leurs blessures tout en empruntant le douloureux chemin des migrants.

Si ces adolescents sont des survivants, ils sont avant tout vivants, animés d’un espoir farouche et d’une intense rage de vivre.  

CHRONIQUE :


(13 Avril 2019)
 
Salon du livre de Montreuil, Décembre 2018. Stand de la collection R, en compagnie de ma chère Be de « Lectures en B ». Be encense ce roman et m’incite fortement à le lire. Le synopsis est intéressant bien qu’il promette une lecture qui prenne aux tripes et que je ne lirai pas avant de dormir. L’autrice est là, et l’avis de Be est toujours fiable compte tenu de mes goûts. Bref vous l’aurez compris, ce jour-là, un « Orphelins 88 » signé est venu rejoindre ses copains dans ma PAL.
 
Alors en effet, ce roman est assez extraordinaire. Pas si facile, comme je m’y attendais, mais terriblement addictif. Ici, pas de scènes violentes pour le plaisir, mais une autrice documentée qui essaie de nous retranscrire l’époque de l’après-guerre avec un maximum de réalité. Et croyez-moi, cela a de quoi vous tordre les boyaux.
 
Sarah Cohen-Scali, je l’avais découverte et adorée avec Phobie (un tout autre genre) et je savais que son roman Max, dans la même lignée qu'Orphelins 88, avait beaucoup fait parler de lui. Et je comprends pourquoi. Car c’est une autrice extrêmement documentée qui nous offre cette superbe histoire coup de poing.
 
Documentée et sensible à la fois. Parce qu’Orphelins 88, c’est dur, c’est triste, c’est l’horrible réalité, mais c’est aussi beau et touchant, c’est aussi un personnage d’une profondeur et d’une véracité bluffantes.
 
Ce personnage étonnant, inspiré de plusieurs enfants de l’après-guerre bien réels ceux-là, notamment de l’un d’entre eux. Mais l’autrice vous en parle à la fin du roman, et je vous laisse découvrir avec elle quelles vies l’ont amenée à faire naître son Josh.
 
Le lebensborn n’est pas un programme si connu du grand public. Après tout, il est beaucoup d’horreurs de la guerre que l’on dénonce mais aussi beaucoup que l’on cache... Je l’avoue, pour ma part, le lebensborn n’était qu’une notion assez floue, dont je ne connaissais que les grandes lignes. Maintenant, ce programme est devenu une vraie réalité pour moi, une horreur au même niveau que beaucoup d’autres, car l’autrice nous fait prendre conscience de l’enfer vécu par ces jeunes à qui toute identité a été retirée.
 
Bref, ce roman nous mène sur les traces de Josh, ou Jo ou peu importe son nom, car au final, il en aura beaucoup... pur produit du lebensborn, Josh a subi un pur matraquage, lavage de cerveau pendant une grande partie de son enfance. Envoyé dans un orphelinat à la fin de la guerre, c’est un enfant perdu qui partira à la recherche de sa mémoire et de son identité.
 
Doit-il aimer ou détester Hitler ? Est-il allemand ou polonais ? Chrétien ou juif ? Quel est son véritable prénom ? La moindre de ces questions est pour lui une énigme à résoudre. Et si l’orphelinat ne peut lui apporter les réponses tant attendues, il partira sur les routes inconnues à la recherche d’indices et de bien plus encore...
 
« Ce qui est bien avec les livres, c’est qu’ils vous permettent de voyager sans visa, sans autorisation, sans restriction d’âge, sans prendre un avion ou un train. Ils vous permettent même de quitter votre peau. On se glisse dans celle du personnage et hop ! On change d’identité sans avoir à fabriquer de faux papiers. »
 
Alors que vous dire sur Orphelins 88 ? Tout y est réussi. Le côté historique est très documenté et nous avons donc une trame solide à l’histoire. Là-dessus, un panel de personnages authentiques, non édulcorés, avec leurs peines, leurs joies, leurs souffrances surtout. Car si l’auteur ne cherche pas à nous choquer gratuitement, elle ne cherche pas non plus à nous ménager et nous présente la réalité dans tout ce qu’elle a de plus crue... Ajoutez à cela une histoire qui tient la route et nous évite de nous ennuyer (car nous nous posons autant de questions que Josh), et une superbe plume tout en émotions, sensibilité et authenticité, vous comprendrez que ce roman est une petite perle dans son genre.
 
Et si l’autrice aborde ici les enfants du lebensborn, elle n’en oublie pas pour autant les autres, tels les juifs par exemple. Elle nous parle aussi de la vie des allemands après la guerre, pour qui le quotidien n’était franchement pas simple, ou encore de la condition des soldats noirs-américains, pour qui l’égalité n’était encore qu’une douce utopie. Bref beaucoup de sujets abordés, avec autant de justesse et sans aucun jugement.
 
« - Qu’est-ce que t’espérais ?
- Quoi ? Qu’est-ce que tu racontes ?
- Qu’est-ce que t’espérais avec cette fille ? Tarzan aime Jane, c’est ça ?
- Tu m’as...
- Oui, je t’ai suvi.
Elle attend quelques secondes avant d’ajouter :
- Elle était allemande, cette fille. Faudrait que tu te décides à choisir ton camp, à la fin.
Mon camp ? Pourquoi je devrais choisir un camp ? Elle est pas finie, cette putain de guerre ? »

 
Comme je le disais, je ne lisais pas ce livre avant de dormir, car Orphelins 88 a de quoi faire réfléchir, et n’est pas vraiment le genre de lecture doudou. Pour autant, j’ai plus qu’adoré ma lecture et je me procurerai son grand frère Max afin de continuer à découvrir un peu plus le lebensborn, grâce au talent de Sarah Cohen-Scali.





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