Rouge Toxic.
Auteur : Morgane Caussarieu
Editeur : Editions ActuSF, Label Naos.
Parution : Février 2018
Pages : 352
RESUME :
Je vivais tranquillement ma non-vie dans les bas-fonds de San Francisco, quand ce type a débarqué pour me confier une mission difficile à refuser.
Me voilà sur les bancs de Mission High School, à suivre comme une ombre Barbie, une orpheline aussi intrigante que réfractaire à mes charmes. Et croyez?moi, survivre dans la jungle du lycée, ce n’est pas de tout repos, même pour un vampire. Surtout pour un vampire...
Mais d’elle ou de moi, qui sera le plus toxique ?
CHRONIQUE :
Dans un premier temps, je tiens à remercier le éditions ActuSF pour ce service presse.
Il est vrai que je lis tous les romans de Morgane Caussarieu, et ce dernier est le troisième à sortir aux Indés de l’imaginaire. J’étais donc plus que partante.
A noter qu’il s’agisse de « Dans les veines », « Je suis ton ombre » ou de « Rouge Toxic », on retrouve certains personnages récurrents, et, lorsque vous avez lu les trois, c’est très sympa. Mais pas de crainte, il n’est absolument pas besoin de lire les uns pour comprendre les autres. Et je tiens à préciser que, si « Rouge Toxic » est paru au label Naos (label destiné aux ados), les deux autres sont pour des publics plus avertis.
Une fois encore, j’ai a-do-ré ce roman. Cette façon qu’a l’auteur de nous offrir des histoires originales mais emplies de profondeur avec une signature très particulière... On reconnaît les romans de Morgane Caussarieu dès les premières pages. Elle est une référence sur le sujet du vampire (mais le vampire non édulcoré) et sur celui de la Nouvelle-Orléans et son Baron Samedi.
"Si j'avais tué [XX] avec la plus grande douceur, je m'acharnai sur lui sans aucun scrupule. Avec la voracité d'un ogre, j'enfonçai les dents plus profondément et le moins délicatement possible et me bâfrai du juteux élixir, mâchonnant les bouts de chair. Des jets de sang chaud s'échappaient de la carotide sectionnée, m'aspergeant délicieusement le visage. Ma paume retenait les hurlements de souffrance et de terreur de [XY], qui tentait de ruer comme un poulain rétif jusqu'à ce que la perte de son fluide vital l'oblige à abandonner la lutte."
Pour l’histoire, nous rencontrons Farouk, vampire de son état, qui sera recruté pour protéger la jeune Barbie, 15 ans. Orpheline, la jeune fille a un petit quelque chose en plus qui fait d’elle une personne particulière...
J’ai adoré ici la façon dont l’auteur fait un pied de nez aux romans vampiriques Young Adult tels Twilight pour ne citer que le plus célèbre.
En effet, plusieurs situations caricaturent un peu le style, à la sauce Morgane Caussarieu. Déjà le surnom de l’héroïne : Barbie, qui n’est pas sans me rappeler le caricatural prénom de l’héroïne dudit Twilight.
Aussi, certaines réactions de Farouk vis à vis de Barbie. Alors non, le jeune vampire n’est pas un gars sans coeur, mais disons qu’il n’est pas non plus le super héros des romans de jeunes filles. Parfois, il n’est pas forcément au taquet pour venir au secours de la jeune fille en détresse :
"(Barbie) Je tombai dans les pommes avant d'atteindre le canapé.
(Farouk) J'entendis Barbie chuter mais ne fis aucun geste pour la rattraper. J'étais sous le choc."
Ceci étant, l’auteur n’est pas tombée dans le piège de nous offrir une caricature inverse des Young Adult : Farouk n’est pas un vampire dénué d’âme. Non, comme d’habitude, nous avons ici des personnalités travaillées, qu’il s’agisse de Farouk, de Barbie, ou des autres personnages importants. L’auteur a réellement l’art de créer des protagonistes extrêmement charismatiques, parfois effrayants, parfois mystérieux, toujours attirants et singuliers.
"Elle saignait abondamment. La voluptueuse liqueur rouge cascadait sur son menton. Elle avait peur maintenant, les larmes lui montaient aux yeux. Je m'en voulus. Je ne voulais pas l'effrayer ni lui faire de mal.
Je voulais juste la tuer."
Toute la première partie du roman se passe donc beaucoup au lycée, où Farouk réapprend la vie d’humain et se découvre des sentiments d’amitié et d’amour. Pourtant on ne s’ennuie pas grâce, comme je le disais, à la profondeur des personnages, ainsi qu’aux petits clins d’œil aux classiques du genre. Puis l’auteur sait nous mettre dans l’ambiance avec pleins de questions et quelques cadavres, et j’avais réellement envie de connaître la suite, notamment, qu’a Barbie pour s’attirer de tels ennuis.
Puis l’action se précipite et Morgane nous emmène sur son terrain de prédilection : la Nouvelle-Orléans. Et à partir de là, c’est action sur action et révélation sur révélation. Et ce jusqu’à la dernière page.
Ce dynamisme est d'ailleurs renforcé par une alternance de point de vue, passant chapitre après chapitre de Farouk à Barbie, ce qui aide aussi à mieux découvrir ces deux protagonistes.
Et comme pour ses autres romans, elle en profite pour évoquer des sujets difficiles. Une fois encore, la phrase « qui est le plus cruel du monstre ou de l’humain ? » s’applique à la perfection. Je ne peux que saluer la documentation de cette auteur sur les sujets qu’elle aborde. Ici, elle nous parle par exemple du Docteur Basson, surnommé le Docteur Lamort et je vous laisse vous renseigner sur ce personnage par vous-mêmes si besoin.
Elle a aussi abordé une autre coutume humaine, qui nous vient des terres afghanes, et que je ne connaissais pas. Je me suis donc renseignée sur le Bouzkachi, cette « activité » équestre. Je ne vous donnerai aucun détail, sachez seulement qu’en persan, cela veut dire « jeu de l’attrape chèvre » et qu’à l’origine (et aujourd’hui encore sûrement), il s’agissait d’une véritable boucherie.
Une fois encore, Morgane Caussarieu nous balance, de manière pertinente, toute la cruauté de l’humain en pleine tronche, sans gant ni détour, et ça fait du bien.
Il n’y a pas à dire, elle a quand même l’art de déterrer ce qu’il y a de plus cruel, de plus glauque et de plus noir dans l’âme humaine et de nous le partager sans modération.
J’ai encore une fois ici retrouvé tous les ingrédients qui signent ses romans. On reconnaît son écriture particulière, ses personnages fouillés, sa façon crue d’aborder des sujets souvent dérangeants, et un plaisir certain à gentiment se moquer des gentils vampires.
En revanche, même si certaines scènes sont quelque peu poignantes dans ce roman, l’on n’y retrouve pas le côté malsain de « Je suis ton ombre » par exemple. "Rouge Toxic" est pour moi le roman le plus facile à aborder de Morgane.
Si vous vous intéressez à la créature vampirique, Morgane Caussarieu est réellement une auteur à lire. L’avantage de Rouge Toxic, c’est que les âmes les plus sensibles auront plus de facilité à l’aborder. Mais attention, Rouge Toxic mord quand même fort et vous ne ressortirez pas indemne de votre lecture. Pour ma part, ma misanthropie fut ravie d’être nourrie à ce point et malgré tout mon sens de l’humour n’a pas été oublié. Un must have.